L’AECG permet aux entreprises canadiennes d’accéder aux marchés européens dans des conditions identiques à celles des opérateurs économiques européens.
Des dispositions dérogatoires sont néanmoins prévues pour les marchés liés aux domaines de la sécurité et de la défense.
« 1. Rien dans le présent chapitre n'est interprété comme empêchant une Partie d'entreprendre une action ou de ne pas divulguer des renseignements si elle l'estime nécessaire à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, se rapportant, selon le cas :
a. aux marchés d'armes, de munitions ou de matériel de guerre;
b. aux marchés indispensables à la sécurité nationale;
c. aux marchés aux fins de la défense nationale. »
Il est aussi prévu dans une note afférente à l’annexe 19-B du traité listant les entités des gouvernements centraux, qu’ « en ce qui concerne les marchés passés par les entités dans le domaine de la défense et de la sécurité, seuls les matériels non sensibles et non militaires figurant sur la liste jointe à l'annexe 19-4
sont couverts
» par les dispositions du traité.
En d’autres termes les marchés liés aux domaines de la sécurité et de la défense portant sur les marchandises non sensibles et non militaires listées à l’annexe 19-4 ne peuvent pas faire l’objet de l’exception de l’article 19.3.
En résumé, la dérogation liée aux domaines de la sécurité et de la défense ne porte que sur un nombre restreints de marchés.
Les entreprises canadiennes peuvent donc candidater aux marchés relevant du domaine de la sécurité et de la défense portant sur des marchandises visées à l’annexe 19-4 du traité dans les même conditions que les opérateurs économiques européens.
Il en va de même pour les nombreux marchés portant sur des domaines connexes à la sécurité et à la défense mais qui n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions sur les marchés publics de sécurité et de défense.
En prospectant les offres, la compagnie canadienne devra s’assurer que le marché visé n’est pas susceptible de tomber dans le champ d’application de l’exception prévue à l’article 19.3 de l’AECG, c'est à dire qu'il ne s'agit pas d'un marché de sécurité et de défense .
Pour ce faire il faut se référer à la définition européenne du marché public de sécurité et de défense (1).
L’identification de ce type de marché passe tant par la personne qui le conclu (2) que par son objet (3).
Si c’est le cas, il conviendra de vérifier que les entités publiques ne font pas usage de la dérogation prévue à l’article 19.3 en mettant en œuvre de la préférence européenne (4).
1.
Notion de marché de sécurité et de défense
Issue de la directive européenne du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité (2009/81/CE) la définition du marché de sécurité et de défense est transposée en droit français à
l’article L1113-1 du code de la commande publique.(CCP)
Un marché de défense ou de sécurité est « un marché conclu par l'État ou l'un de ses établissements publics et ayant pour objet :
1° La fourniture d'équipements, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous- assemblages, qui sont destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre, qu'ils aient été spécifiquement conçus à des fins militaires ou qu'ils aient été initialement conçus pour une utilisation civile puis adaptés à des fins militaires ;
2° La fourniture d'équipements destinés à la sécurité, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l'intérêt de la sécurité nationale ;
3° Des travaux, fournitures et services directement liés à un équipement mentionné au 1° ou au 2°, y compris la fourniture d'outillages, de moyens d'essais ou de soutien spécifique, pour tout ou partie du cycle de vie de l'équipement. Pour l'application du présent alinéa, le cycle de vie de l'équipement est l'ensemble des états successifs qu'il peut connaître, notamment la recherche et développement, le développement industriel, la production, la réparation, la modernisation, la modification, l'entretien, la logistique, la formation, les essais, le retrait, le démantèlement et l'élimination ;
4° Des travaux et services ayant des fins spécifiquement militaires ou des travaux et services destinés à la sécurité et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l'intérêt de la sécurité nationale."
2. Les autorités compétentes pour passer un marché de sécurité et de défense
Selon l’article L1113-1 du code de la commande publique les marchés de sécurité et de défense sont des marchés passés par l’État ou l’un de ses établissements publics.
Les collectivités territoriales ne sont donc pas concernées par les dispositions sur les marchés de sécurité et de défense.
3. L'objet du marché de sécurité et de défense
L’article L1113-1 du code de la commande publique limite à quatre les objets sur lesquels peuvent porter les marchés de sécurité et de défense. Cette liste est interprétée strictement par les juges européens et français.
Il ressort de la jurisprudence que la qualification de marché de sécurité et de défense n'est retenue que lorsque la finalité militaire du produit et des prestations est caractérisée.
Par ailleurs, des prestations de gardiennage, d’accueil et de filtrage de sites militaires ne sont pas non plus considérées comme un marché de sécurité et de défense, les prestataires n’ayant accès à aucune information classifiée dans l’intérêt de la sécurité nationale.(CE 4 février 2021 – Ministère des Armées c. sté Osiris Sécurité Run)
4. La préférence européenne
En application de l’article 19.3 de l’AECG, les pouvoirs adjudicateurs européens pourraient toujours être en mesure de faire jouer la préférence européenne prévue pour les marchés de sécurité et de défense.
Cette disposition figurera dans les avis de marché selon cette formulation :
« Opérateurs économiques des pays tiers à l’UE ou à l’EEE :
Conformément à l'article R 2342-7 du code de la commande publique, la présente procédure n’est pas ouverte aux opérateurs économiques des pays tiers à l'union européenne ou à l'espace économique européen. »